Je m’appelle Sylvain, j’ai 43 ans et suis originaire de Nancy (Lorraine). Ayant amorcé ma descente vers le sud peu après la fin de mes courtes études (bac pro à l’issue de 4 ans d’apprentissage en alternance dans le domaine de la chaudronnerie), j’ai vécu dans le Var entre 1998 et 2012 où je me suis finalement spécialisé dans le travail de l’acier inoxydable. J’ai décidé de mon expatriation en Thaïlande, depuis 8 ans donc. Amateur de sports nautiques et d’arts martiaux, je suis beaucoup plus serein avec la faune et la flore, que la foule et le béton.
Pourquoi avoir décidé de partir vivre et travailler en Thaïlande ?
Fortement marqué par un second séjour touristique en Thaïlande, le retour en France avec ma petite vie tranquille mais un peu en boucle m’amenait à cogiter. Célibataire, sans enfants, un métier satisfaisant mais que je ne me voyais pas enchainer encore des années, mes amis proches qui rentraient tous petit à petit en mode famille…Une belle opportunité fit le reste quelques mois plus tard…
Dans quelle ville ou région es-tu principalement ? Quelle saison préfères-tu ?
Je vis et travaille à Khanom, une petite ville côtière dans la province de Nakhon Si Thammarat, sud de la Thailande. La saison que je préfère ici est celle que j’aimais le moins en France, l’hiver !
L’hiver ici étant tout relatif ; également plus ou moins marqué suivant les régions ; et correspond en général à la fin de la saison des pluies. En gros, le mode opératoire est toujours short/claquettes, mais au lieu de transpirer dès 7 heures du matin, on arrive à rester sec quelques heures de plus. La saison des pluies elle peut être pénible à traverser, surtout dans les régions du sud très arrosées, avec des jours et des semaines de pluie non-stop. Il est possible de moisir littéralement sur place, surtout avec nos organismes d’européens.
Est-ce que tu as trouvé facilement du travail sur place ?
Dans le cas de mon expatriation en Thaïlande, ce fût assez simple puisque j’avais gardé contact avec la patronne de l’agence francophone locale à qui je m’étais adressé, pour mon séjour à Khao Sok lors de mon second voyage.
Quelques mois après mon retour elle avait posté sur FB une annonce indiquant qu’elle recherchait un assistant francophone pour l’agence à Khao Sok. Compte tenu de ma situation, je n’ai pas attendu trop longtemps pour proposer ma candidature, qui par chance et/ou par manque de prétendants fut retenue.
J’avais dans le même temps demandé à mon patron du moment l’autorisation de poser un congé sabbatique pour assurer tout de même mes arrières en cas d’échec sur place. Il y avait tout de même un risque de déchanter car venir ici, dans la jungle, quelques jours pendant les vacances c’est génial c’est sûr, mais y poser ses valises n’est pas forcément pour tout le monde.
En quoi consistait ton métier, ton premier job ? Qu’est-ce que tu appréciais le plus ?
Au début de mon expatriation en Thaïlande, mon premier job consistait à d’abord m’occuper des demandes de séjour faites via le site internet de l’agence. Bien sûr pendant une certaine période en étant supervisé par ma patronne et avec des demandes à priori faciles car il me fallait tout apprendre.
Il s’agissait au final de pouvoir proposer aux clients un séjour correspondant à leurs envies et budgets, en regroupement avec d’autres clients ou en privatif, incluant de base des activités au sein du parc national et l’hébergement.
Les séjours étant en moyenne d’une durée de 3 jours/2nuits, il me fallait aussi parfois prévoir les transferts et nous pouvions aussi proposer un accompagnement francophone lors des excursions dans la jungle, en plus du guide thaïlandais (le métier de guide est interdit aux étrangers en Thaïlande), car nos compatriotes sont souvent bien désarmés devant la langue de Shakespeare.
Enfin, après avoir validé et confirmé le séjour avec des clients, je les accueillais lors de leur arrivée au village de Khao Sok pour leur souhaiter la bienvenue et refaire le point sur le déroulement du séjour. Et c’était certainement la partie la plus agréable car en grande majorité les échanges écrits en amont étaient plaisants, qu’ils se sentaient déjà en confiance, et en arrivant sur place c’était pour eux l’émerveillement et le plaisir de se rencontrer enfin.
Lorsque le timing le permettait il me tenait aussi à cœur de les retrouver à l’issue du séjour, pour recueillir leurs impressions et m’assurer que tout s’était bien déroulé. Et comme dans 95% des cas les clients étaient ravis avec les yeux qui brillent, c’était la cerise sur le gâteau, la satisfaction du travail bien fait et gratifiant pour toute l’équipe et moi-même.
Racontes-nous ton lancement dans l’hôtellerie
Après plus de 4 ans de bons et loyaux services au sein de l’agence, ma motivation commençait un peu à fléchir pour plusieurs raisons : la vie au village de Khao Sok assez particulière, l’ambiance au bureau avec ma direction devenue un peu lourde, et le nombre d’heures derrière l’ordinateur assez pénible.
Ma compagne, que j’ai rencontré là-bas et qui avait rejoint l’agence entre temps en tant que manager des opérations, était alors un peu dans le même état d’esprit et en discutant de ce que l’on pourrait faire, il apparaissait que gérer un petit hôtel de quelques bungalows, si possible en bord de mer, nous tenterait bien.
Je crois que c’est le fait d’avoir visité et travaillé avec les hôtels du coin, de m’y rendre régulièrement pour rencontrer nos clients, de voir comment ils fonctionnaient, qui m’a amené à me dire que ça me plairait bien de faire ce job.
Après quelques mois de recherche, c’est ma compagne qui a trouvé ce qui semblait pouvoir nous correspondre pour notre première expérience : une petite guesthouse proche de la mer dans la ville d’Hua Hin.
Les lieux avaient été totalement rénovés deux ans auparavant mais le locataire /gérant depuis un peu plus d’un an ne gérait à vrai dire rien du tout, il n’était que rarement là, les clients qui arrivaient trouvaient porte close, loyers en retard etc… Les propriétaires l’ont donc écarté et nous avons donc repris l’affaire en location/gérance.
Dis-nous en plus
Nous avions renommé les lieux car la réputation était du coup assez moyenne, repris toute la communication et contacts avec les OTA classiques, et après 2 mois de très faible fréquentation (basse saison, et un grand nombre d’établissements à Hua Hin) nous avons commencé à avoir un certain nombre d’excellents retours qui ont donné confiance aux potentiels visiteurs et nous avons ensuite bien travaillé pendant deux ans, avec à la clé toujours une excellent e-réputation.
Si cela y ressemble, ce n’était pas tout à fait un conte de fées car nous avons eu à batailler avec des bars/live band qui se sont successivement installés dans le local disponible de l’autre côté de la rue et ce quelques mois après notre arrivée…
Les nuisances étaient importantes et, si nos clients n’ont globalement pas trop eu à s’en plaindre, j’ai pour ma part passé de nombreuses soirées et nuits très stressantes, à devoir faire intervenir ma compagne pour calmer le jeu, demander de l’aide auprès de la mairie/police pour leur faire respecter les lois sur les nuisances sonores (oui elles existent aussi en Thaïlande mais sont appliquées suivant des paramètres très variables).
Nous avions aussi un problème avec le fait de ne pas avoir de parking privé, ce qui est très gênant pour les clients thaïlandais, et même si l’on pouvait se garer aisément dans la rue cela nous a valu de nombreuses annulations.
Et finalement…
En juillet 2019, je tombe à nouveau sur une annonce dans un groupe FB dedié à la Thailande, mentionnant qu’un petit resort est à louer ou à vendre, dans un coin tranquille du sud de la Thaïlande et proche de la mer. Genre affaire du siècle ! Nous avons fermé les réservations de la guesthouse pendant 3 jours et sommes allés visiter le resort et les environs.
En rentrant à Hua Hin nous avions déjà quasiment entamé le chemin inverse puisque 2 mois plus tard nous nous installions donc à Khanom, province de Nakhon Si Thammarat, pour reprendre « Leeloo Paradise Resort » en location gérance. Après un bon mois de rafraîchissement et rénovations d’urgence (les lieux avaient été négligés par le propriétaire/gérant pendant environs 6 mois), nous avons officiellement ouvert en octobre 2019.
Il a fallu également reprendre toute la communication, redonner confiance aux éventuels visiteurs car la réputation de l’hôtel avait été ternie les mois précédents, et nous avons cette fois approché des agences de voyages locales ou internationales intéressées par les destinations hors des sentiers battus.
Lorsque nous avons finalement lancé la saison et que de jolies couleurs garnissaient désormais notre planning de réservations, une certaine Covid 19 s’est invitée à la fête….
A ce jour nous avons malgré tout la chance d’être dans un région/ville qui attire le tourisme local et nous pouvons donc nous maintenir à la surface en attendant des jours meilleurs.
Ça n’a pas été trop compliqué de devenir gérant d’un hôtel en Thaïlande ?
D’un point de vue technique non car ma compagne s’est toujours occupé en amont des détails (des lourdeurs) administratifs, de la recherche du personnel et des différents intervenants. Sans avoir une compagne thaïlandaise et de confiance à mes côtés, je ne me serai jamais lancé, et relancé, dans de tels projets.
D’un point de vue psychologique ce fût, et c’est toujours, plus délicat par moments de par les nombreuses responsabilités qui me sont revenues en termes de fonctionnement au jour le jour : la maintenance, les détails qui font la différence, devoir en permanence vérifier le travail des employés en plus de mes propres tâches.
Le fait de gérer des petits établissements, avec des revenus moyens, m’oblige à endosser de nombreux costumes avec des journées aux milles métiers. Je suis de plus assez pointilleux, dans un pays où l’ « à peu près » est la deuxième religion la plus pratiquée, et ça pour moi, c’est assez compliqué !
Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton nouveau métier et qui te motive le plus ?
C’est au final le contact avec les clients que j’aime le plus, surtout avec les voyageurs étrangers. Les thaïlandais en général ont une façon tout à fait différente d’aborder leur séjour dans votre hôtel, de considérer ce que vous y faites et comment. Les échanges sont minimalistes et les rapports plus distants.
Les étrangers qui arrivent ici sont le plus souvent directement charmés et ils l’expriment, ils ont ensuite des choses à raconter sur leur voyage tout comme ils s’intéressent à votre vie ici. Moi qui suis, ou était, plutôt avare en discussions je prends désormais du plaisir à échanger avec nos visiteurs. Le plus motivant reste… Un client satisfait !
Sérieusement, lorsque l’on voit les gens avec les doigts de pieds en éventail et le sourire béat au bord de la piscine, faire la sieste dans les hamacs, revenir rouges fluo et tout excités d’une sortie en mer, c’est vraiment motivant. Quand après leur séjour ils vous laissent des commentaires tissés d’éloges sur la toile, c’est même très touchant et un vrai carburant.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile et facile à t’habituer à la vie sur place ?
Le plus difficile pour moi a été de m’acclimater aux locaux, car à Khao Sok, village perdu dans la jungle, la mentalité était assez particulière et le regard pas toujours bienveillant. La nourriture au départ aussi, car n’étant pas vraiment aventureux à gouter tout et n’importe quoi, je me limitais pas mal à manger tout le temps les mêmes nouilles ou les mêmes riz frits.
Il m’a aussi été un peu difficile de m’habituer au climat, car s’il est génial de pouvoir vivre en short et en claquettes toute l’année, les températures très élevées en saison sèche combinées à un taux d’humidité important sont assez éprouvants. Et d’un point de vue professionnel, quand vous commencez à transpirer à 7 h 30 et qu’il faut servir les petits déjeuners cela peut être pénible.
L’adaptation la plus aisée fût celle du rythme de la vie, tout de même beaucoup plus cool même si vous pouvez être sous pression au boulot, l’ambiance en général au milieu des thaïs est plus décontractée.
Quel est le coût de la vie sur place ? et qu’est ce qui est mieux dans la vie de tous les jours que nous n’avons pas en France ?
Le coût de la vie est franchement variable entre le nord et le sud du pays, et que vous viviez dans les zones touristiques ou à la campagne, parfois du simple au double. Bien évidemment, comparé au coût de la vie en France, cela reste moindre et à plusieurs niveaux.
Le coût de la nourriture est le facteur le plus marquant, que vous soyez simple touriste ou expatrié, au restaurant comme au marché. Ici je mange dehors, petits restaurants locaux, tous les jours et quasiment midi et soir, chose impossible pour moi en France.
J’ai vécu pendant un moment dans un logement très décent avec chambre, salon, coin cuisine, salle de bain, jardin et garage pour moins de 150 euros de location par mois. Ma facture d’eau était tellement faible que mon propriétaire la payait pour moi. Je n’avais jamais payé d’électricité jusqu’à ce que j’installe l’air conditionné, je recevais simplement une facture avec un montant de 0 bahts (si vous ne consommez pas plus de tant de kw/h vous ne payez rien).
Les transports tels que le bus ou le train, certes souvent vieillots, s’empruntent à prix dérisoires. Ce qui est mieux dans la vie de tous les jours et que nous n’avons pas en France est selon moi cette facilité à pouvoir se restaurer partout, à toute heure, en tous genres, et à petit prix. Les thaïlandais attachent une grande importance à la nourriture et au fait de se nourrir. Ils vous demanderont rarement si vous allez bien, mais souvent si vous avez mangé ou non.
Quels ont été tes plus beaux souvenirs ? Quelles anecdotes as-tu à nous partager sur ton expatriation ?
Mes plus beaux souvenirs sont liés avec les opportunités à découvrir le pays, dans le cadre du travail ou lorsque je pouvais voyager un peu.
J’avais découvert Khao Sok en tant que touriste, superbe souvenir, et j’ai ensuite eu la chance d’approfondir le sujet à travers mon job, d’explorer le parc et de camper dans des coins de jungle profonde, les nuits sur le lac dans des huttes en bambou, la faune ….
La visite des iles Surin avec nuits en camping et seulement une vingtaine de personnes sur l’ile le soir, snorkelling la journée avec requins et tortues aperçus pour la première fois….
Et aussi, accueillir ici mes amis ou des membres de ma famille, leur faire découvrir mon environnement et pouvoir voyager un peu avec eux fait partie de mes plus beaux souvenirs.
Je crois que plusieurs anectodes sur mon expatriation en Thaïlande parsèment cet interview dans son ensemble.
Quels sont tes pires souvenirs ?
Professionnellement, je ne trouve pas de dossier à ranger dans la catégorie des pires souvenirs, ou bien ma mémoire me fait défaut. Mes pires souvenirs se situeraient au niveau des hôpitaux publics, lorsque je me suis fait admettre pour avoir contracté le virus de la dengue pour la seconde fois.
Des petites complications au niveau du foie dues à la maladie m’ont amené à quitter ma chambre privée pour me retrouver en salle d’urgences au milieu de gens mourants, délirants, fraichement opérés, du sang sur les sols… super glauque. Mon impatience à vouloir quitter les lieux car je n’avais d’après moi rien à y faire m’ont valu la rancœur de la chef de service qui a voulu ensuite absolument que mon problème vienne de l’appendicite, qu’il fallait m’opérer, et m’a puni à coups d’examens complémentaires avant de pouvoir finalement regagner ma chambre…
Dans les pires souvenirs, et tout récemment en conséquences de la crise covid 19, je place sans hésiter toutes les démarches administratives concernant les demandes de visa et de permis de travail. Montage de dossiers, allers et retours en vains, désinformations, regards bovins, incompétences des services concernés, méchanceté dans les services d’immigration, c’est pour moi le dark side de la vie d’expatrié en Thaïlande.
Quels conseils donnerais-tu à ceux qui aimeraient faire pareil que toi ?
Si l’idée est de tout plaquer pour venir vivre et travailler en Thailande, je conseillerais de venir tout d’abord visiter le pays plusieurs fois et sur de longs séjours si possible. Ensuite, dans le cadre d’un projet professionnel il est impératif de trouver un comptable ou un avocat thaï compétent et honnête si vous souhaitez monter votre propre affaire car il vous faudra certainement créer une compagnie, obtenir votre permis de travail et visas correspondants. Cela a un coût, en temps et en argent, et sans une personne de confiance pour vous aider, cette partie-là peut vous laisser un goût franchement amer.
Apprendre à parler la langue me parait primordial pour s’épanouir ici, dans la vie de tous les jours et à titre pro si vous avez à employer du personnel thai par la suite.
Pour ceux qui n’ont pas de projet pro défini, un visa étudiant d’une durée d’un an est selon moi une excellente façon de démarrer pour s’imprégner du pays, apprendre la langue et commencer à préparer le terrain pour la suite, si suite il y a.
Le mot de la fin ou le conseil de fin pour ceux qui rêvent d’expatriation en Thaïlande ?
Si je ne regrette absolument pas d’avoir choisi une expatriation en Thaïlande, que je ne me verrais vraiment pas rentrer vivre en France dans l’immédiat, je ne vous cache pas que tout n’a pas été rose ces dernières années et qu’un statut d’expatrié est tout de même particulier. Le fameux « blues de l’expat » a parfois pointé le bout de son nez et cela fait aussi maintenant plus de quatre ans que je ne suis pas rentré pour quelques vacances/retrouvailles et je commence à trouver le temps long.
Même en essayant de vous intégrer le plus possible, avec trente ans de vie sur place, femme et enfants thaïlandais, vous parlez thai couramment, vous employez des locaux et payez des taxes , vous resterez un « farang » et serez tolérés comme tel, d’après mon ressenti et les témoignages de personnes rencontrées.
Au final, à ceux qui rêvent d’expatriation en Thaïlande je dirais juste : foncez, mais pas dans le mur. Il y a désormais un grand nombre de sites web, pages FB, qui traitent de l’expatriation en Thaïlande avec des contenus de qualité et à jour et ce peut être de très bons outils pour étudier le sujet en amont… Au frais, à la maison, avec un petit fromage de chèvre posé sur une tranche de pain frais, accompagné d’un verre de vin rouge, ce petit bonheur simple qui est désormais pour moi symbole de rêve et de luxe.